Dans son nouveau long métrage, Lars Kraume (jeune réalisateur allemand qui signe ici son troisième projet) se lance dans la narration d’un fait réel méconnu : la résistance allemande sous l’occupation soviétique.
Un passage de l’histoire peu présent au cinéma
Quand les œuvres sur la Seconde Guerre Mondiale ou la Guerre Froide pleuvent, il existe très peu de longs métrages traitant de l’Allemagne de l’Est après la conférence de Yalta. Nous sommes en 1956, en Allemagne soviétique. Souvenons nous que le mur de Berlin n’est pas encore construit, chaque allemand de l’Est rêve de s’échapper à l’Ouest. Nous avons face à nous une classe en terminale qui prépare l’obtention de son baccalauréat. Kurt est le fils d’un influent politique socialiste et a soif de vérité et de liberté. Théo, fils d’ouvrier, est le premier homme de sa famille à aller à l’école et ne cesse de frôler la limite de l’acceptable aux yeux des autorités. Léna elle, vit chez sa grand-mère presque aveugle et rêve d’une vie plus libre et juste pour sa famille.Après avoir entendu parler des victimes hongroises de la répression Soviétique, ces trois jeunes décident, avec leur classe, d’honorer une minute de silence à leur mémoire. Ce signe de protestation va avoir de graves conséquences et devenir une affaire d’Etat.
Un film qui nous prend dans son contexte
Pendant les presque deux heures de projection, la tension et les émotions ne quittent jamais le spectateur. Nous avons face à nous, des séquences sombres nous montrant une Allemagne qui souffre. Il est rare de voir de beaux plans de journée où le soleil frappe le pays. Nous avons majoritairement des plans d’hiver, de pluie et de nuits, nous plaçant dans une ambiance stressante et pesante. Á aucun moment la joie ne semble pouvoir toucher le spectateur contrairement au respect, la compassion ou la colère. Ce film met en scène plus que des jeunes en résistance, il nous montre le visage de l’Homme quand il est dos au mur. Le mensonge, l’amitié et la trahison sont les moteurs de ce long métrage qui ne semble à aucun moment pouvoir s’essouffler. Le réalisateur enchaine les références historiques en plaçant rebondissements et comparaisons tout au long de son œuvre. On se perd parfois chronologiquement en voyant des façons d’agir dignes de l’ancien régime où la manipulation et le chantage dominent.
Des personnages emblématiques et un angle différent
Chaque personnage semble représenter un sentiment, une émotion ou une mission. Les liens familiaux sont au cœur de cette œuvre tant ils sont différents en fonction des rôles. On se sent obligatoirement concerné ou touché par l’un d’eux, tant ils sont proches de nous et leurs actions compréhensibles. Le fait de montrer des jeunes permet de toucher un maximum de publics : les adultes y voient des personnages pouvant être leurs enfants, et les adolescents se reconnaissent en eux. De plus, Monsieur Kraume prend des angles de scénario surprenants. Il refuse de nous montrer la violence physique de la part des occupants, pouvant être trop cliché et peut être même moins frappante que les manipulations qu’il met en scène. Dans son œuvre, il nous fait presque oublier que ce qu’il montre n’a pas été jugé primordial pour les historiens (je parle de ces actes de résistance passive) alors que pour nous, ce que nous voyons s’apparente à des actes militaires. Enfin, il refuse le jugement. Il parait impossible de juger les actes des personnages tant ils sont compréhensibles même s’ils peuvent représenter ce que nous ne supportons pas. Les rebondissements changent notre vision des choses et nous montrent la totale mentalité de chaque personnage.
Ce film illustre une autre image de l’Allemagne de l’Est pendant la Guerre Froide et peut toucher n’importe qui, fan de cinéma ou non. Il sera sur nos écrans, en France, dés le 2 mai prochain.
Iliès Terzoutyettou, Mars 2018