Comme chaque année, Cité Philo, dont le lycée Darchicourt est une des étapes essentielles, a emporté l’adhésion du public, conquis d’avance par la personnalité des deux intervenants, Françoise Dastur et Vincent Descombes, dont les travaux centrés pour l’une sur la question de l’évènement, pour l’autre sur la notion d’identité n’ont pas manqué de susciter débat et réflexion au sein d’une assemblée particulièrement attentive pour ce dernier weekend de Novembre.
Françoise Dastur, Professeur émérite à l’université de Nice Sophia-Antipolis, auteure d’études sur la phénoménologie et d’importants travaux traitant d’herméneutique, terrain privilégié de ses expertises, a invité les élèves à penser l’évènement dans toute la singularité de son émergence à l’aide de nombreux exemples puisés tout autant dans sa vie qu’au gré de ses nombreuses lectures.

Francoise Dastur
De Merleau Ponty à Simone de Beauvoir, de la phénoménologie à l’existentialisme, cette ancienne élève de Paul Ricœur et de Jacques Derrida a su, par son propos nourri et la richesse de son expérience humaine, étayer son discours de références toujours judicieusement choisies, de Platon à Montaigne en passant par Hannah Arendt (figure philosophique de tout premier plan qui, comme elle, s’est penchée avec profit sur les dérives et les contradictions du monde contemporain), pour inciter les nouvelles générations à penser tout ce qui fait la richesse du réel.
Observatrice infatigable des autres modes de vie, ses nombreux voyages en Inde et sa connaissance approfondie des langues étrangères (elle est également traductrice) lui ont permis d’approcher des réalités différentes qu’elle a évoquées avec un réel sens de la pédagogie, son attachement pour la pensée orientale qu’elle nous a encouragés à découvrir en est la merveilleuse illustration, résumant parfaitement tout ce que représente à ses yeux la connaissance élargie d’une culture étrangère ; la possibilité de revivifier son regard sur les choses et de se bâtir une vraie lecture du monde.
Après avoir convié les élèves à faire preuve de distance critique sur les aléas de la modernité, les mettant en garde contre les phénomènes de dissipation inhérents au rythme effréné de notre étrange époque (qu’elle perçoit comme un frein à une réflexion véritable), elle n’a pas hésité à vanter les mérites de l’ennui, considéré comme un état nécessaire, voire propice à l’introspection et aux questionnements métaphysiques.
Durant deux heures, tous les grands aspects de l’existence ainsi que des questions liées à l’actualité immédiate -du féminisme à l’écologie- ont été abordés avec un égal bonheur dans un souci permanent d’interaction qui a porté ses fruits, les questions des élèves ayant fusé à la fin de cette première séance.

Vincent Descombes
Quant à la notion d’identité, que cette nouvelle édition de Cité philo consacrée à la république de l’universelle se devait de traiter, elle fut brillamment abordée par Vincent Descombes, lequel a su par sa réflexion méthodique et féconde apporter sur ce sujet complexe de nombreux éclairages en contextualisant tout ce que ce terme a selon les époques et les lieux pu recouvrir d’interprétations diverses et de lectures spécifiques.
Ce spécialiste de la philosophie du langage, qui fut un temps enseignant aux États-Unis, a pu fournir ainsi dans son souci constant de rigueur sémantique, des outils précieux pour permettre aux élèves d’appréhender les problématiques actuelles avec toute la vigilance et le soin qu’elles exigent.
Un beau weekend en définitive, où l’analyse réflexive a pris ses aises et forgé ses repères dans un endroit choisi, nous prouvant à nouveau que se pencher sur les grandes questions qui agitent notre temps est d’abord et avant tout un plaisir qui ne tire sa valeur que d’être partagé.
D.Boudet